"Définir une véritable politique de durabilité signifie davantage que rédiger un rapport chaque année", explique Xavier Baeten. Professeur de responsabilité sociétale des entreprises à la Vlerick Business School, l'homme fait partie de l'External Sustainability Board de KBC, un conseil consultatif indépendant composé d'experts du monde académique. "Je conseille aux entreprises de définir des objectifs concrets, de miser sur l'innovation et de se focaliser sur le long terme."
Selon Xavier Baeten, la durabilité est ancrée dans l'ADN de KBC. "Cette particularité est indubitablement liée à la philosophie coopérative poursuivie par la banque." Le groupe financier est né en 1998 d'une fusion avec la banque CERA notamment, elle-même descendante des Caisses rurales d'épargne et de crédit et, plus tard, des Caisses Raiffeisen. "KBC a été propulsée dans l'univers de la durabilité par son sommet après la crise financière de 2008. Thomas Leysen et Johan Thijs, le président et le CEO de l'entreprise, ont véritablement boosté la thématique. Avant cela, le principal objectif était d'offrir des fonds à consonance verte (fortement orientés écologiquement). Le champ visuel s'est considérablement élargi par la suite. C'est la raison pour laquelle des experts indépendants siègent désormais au conseil consultatif. Ma spécialisation est la politique de rémunération et le pilier social d'une manière plus générale."
Établir des priorités
"Un rapport de durabilité ne vous emmène pas bien loin. Vous signalez que vous avez émis grosso modo cinq pour cent de CO2 en moins. Qu'est-ce que cela signifie? Est-ce suffisamment ambitieux? Fixer des objectifs est essentiel. Je conseille aux entreprises de lire les dix-sept Objectifs de Développement Durable (ODD) que les Nations Unies ont fixés comme nouvel agenda du développement durable mondial pour 2030. Il s'agit en substance des objectifs mondiaux en matière de développement durable.'
"Les entreprises doivent être conscientes qu'elles ne peuvent enregistrer de bons scores pour les dix-sept domaines en même temps. Il est essentiel de fixer les bonnes priorités. On ne peut réaliser d'excellents scores pour tous les domaines. Quels sont les objectifs les plus proches de votre activité? Énumérez-les et poursuivez des objectifs matériels. C'est-à dire des objectifs importants à la fois pour vos parties prenantes (stakeholders) et pour votre entreprise. Vous devez en outre avoir la possibilité de corriger le tir en cours de route."
Xavier Baeten estime qu'il est indispensable que toute l'entreprise soit impliquée dans la stratégie de durabilité, mais il part en même temps du principe qu'une approche top-down offre les meilleurs résultats. "Il est essentiel que le management et le conseil d'administration soutiennent fermement la politique, p. ex. en ne rendant pas (totalement) les bonus tributaires du bénéfice, mais aussi des objectifs de durabilité."
"Une entreprise doit investir à court terme pour obtenir des résultats durables à long terme."
Xavier Baeten, professeur de responsabilité sociétale des entreprises à la Vlerick Business School
Pas de bénéfice immédiat
"Cette approche est en totale contradiction avec la manière traditionnelle de penser. Elle ne fonctionne que si vous pensez à long terme. Vous devez investir à court terme pour obtenir des résultats durables dans le futur. Le développement durable offre rarement, voire jamais, un bénéfice dans l'immédiat. Les entreprises doivent par contre prendre des risques. Dans notre pays, des entreprises comme Solvay et Umicore font figure d'exception."
Et Xavier Baeten de rebondir sur l'innovation pour définir le moteur de cette pensée à long terme. Il donne l'exemple de la société de raffinage de pétrole finlandaise Neste. "C'est l'une des entreprises les plus durables au monde. À partir d'huiles et de graisses de friture – elle paie pour les déchets –, l'entreprise raffine du diesel pour les bus et les camions. Cela permet de réduire les émissions de CO2 de 90 pour cent."
Pour conclure, Xavier Baeten souligne l'importance d'avoir une ligne éthique au niveau de tous les collaborateurs. "Il est essentiel de mettre régulièrement sur la table des sujets éthiques et d'en discuter avec les collègues. Nombreux sont ceux qui perdent les directives morales de vue une fois qu'ils sont sous pression. C’est un risque. Nous devons donc rester vigilants, aussi soft cela puisse-t-il paraître. On ne peut rédiger de véritables règles à ce sujet. Une politique RSE n'est pas une science exacte."