L'entrepreneuriat circulaire est une aventure collective

Le secteur de la malterie est grand consommateur d'énergie. Pour Boortmalt, cela représente environ 2 terrawattheures par an, dont trois quarts sous forme de chaleur et un quart sous forme d'électricité. Il va sans dire que nous voulons réduire davantage cette consommation et l’écologiser. La coopération avec Indaver a débuté sur une idée folle de deux chefs d'entreprise et il a fallu beaucoup de temps pour parvenir à un projet réalisable et susceptible de faire l'objet d'une licence. La décarbonisation coûte en effet de l'argent, mais elle nous paraît si importante que nous voulons jouer un rôle de premier plan dans notre secteur. Cela se reflète dans nos objectifs (initiative Science Based Technology): d'ici la mi-2030, nos émissions nettes de CO₂ devront être réduites de 50%, et d'ici 2035, nous visons la neutralité climatique. Nos objectifs climatiques sont encore plus ambitieux que ceux des Accords de Paris sur le climat (2050).
Aujourd'hui, nous économisons déjà environ 30 000 tonnes de CO₂ par an en utilisant la chaleur résiduelle d'Indaver. Le fait que nous ayons pu trouver la solution à proximité nous a cependant ouvert les yeux. C'est pourquoi nous explorons toujours le voisinage lorsque nous voulons décarboniser un site. Mais Boortmalt nécessite non seulement beaucoup d'énergie, mais aussi beaucoup d'eau. C'est une particularité de notre processus: vous donnez vie aux grains d'orge en les immergeant dans l'eau jusqu'à trois fois. Avant, cette eau était perdue. Aujourd'hui, nous travaillons sur sa réutilisation, par filtration membranaire, osmose inverse et autres techniques. Ainsi, nous voulons passer de 3 000 litres d'eau par tonne de malt sous la barre des 2 000 litres d'ici 2030. Nous disposons donc de notre propre circuit circulaire - aussi pour notre propre chaleur résiduelle, soit dit en passant.

L'économie circulaire passe notamment par les flux résiduels. Les flux résiduels valent donc de l'argent. Pourtant, certains pensent qu'ils devraient être gratuits, car ils seraient perdus de toute façon. Mais cela n'est pas vrai: capter ces flux résiduels nécessite des investissements. Il s'agit en outre d'un engagement à long terme. On pourrait toutefois, à titre de benchmark, appliquer le principe selon lequel un produit circulaire, tel que la chaleur produite à partir de déchets, ne devrait pas être plus cher qu'un produit linéaire, tel que la chaleur produite à partir du gaz. Le principe du "pas plus que d’habitude". Prenez aussi en compte le coût sociétal.
Par ailleurs, l’entrepreneuriat circulaire ne nécessite pas toujours de gros investissements: il est beaucoup moins coûteux de créer une communauté énergétique ou de partager l'énergie que d'investir dans un réseau de chaleur. En tant que PME, par exemple, vous pouvez investir dans des panneaux solaires et en faire profiter vos collaborateurs. Ou inversement, bien entendu.

Le gouvernement devrait cependant soutenir les petites entreprises et les communes afin qu'elles puissent elles aussi accéder aux connaissances et à l'expertise en matière de durabilité. Chez VITO, nous menons des recherches académiques sur les solutions possibles et nous testons l'état d'avancement de certaines technologies, en fonction de ce que l'on appelle les niveaux de maturité technologique (Technology Readiness Levels).
J'invite donc immédiatement toutes les entreprises et les PME à faire entendre leur voix afin que nous puissions, dès le départ, confronter nos recherches à la pratique. Faute de quoi nous risquons de proposer des solutions dont personne ne veut.

Autrefois, l'autorité portuaire était un propriétaire qui pouvait se contenter de construire des quais, des murs de soutènement et des écluses. Aujourd'hui, le Port d'Anvers-Bruges assume le rôle de créateur de communauté: nous connaissons nos utilisateurs portuaires et agissons en tant que partie neutre. Nous veillons à ce que les entreprises présentes sur notre site se rencontrent. Et se joignent autour de la table en tant que partenaires pour faciliter les investissements lourds, tels que ceux nécessaires aux réseaux de chaleur Anvers Nord et Ecluse.
Nous misons aussi fortement sur le recyclage des matières premières. Du point de vue de l'efficacité, mais aussi en vertu de considérations géopolitiques, l’entrepreneuriat circulaire est l'un des piliers les plus importants de notre approvisionnement futur en matières premières. C'est pourquoi nous accueillons déjà sur l'ancien site d'Opel à Anvers des entreprises qui recyclent des matières premières, comme le propylène et le polyuréthane, provenant par exemple de matelas, de panneaux d'isolation, de pneus de voiture... Et des entreprises qui conçoivent de nouveaux processus. Mais bien entendu, cela ne s'arrête pas là. Il restera particulièrement difficile de créer un accès continu aux volumes de matériaux, outre l'espace et une politique adéquate, et, bien sûr, aux clients qui veulent travailler avec des matières premières recyclées.

Dans la ville d'Anvers, nous entendons réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 50% d'ici 2030 par rapport à 2005. Si nous pouvons utiliser la chaleur résiduelle de la zone portuaire pour chauffer les maisons de la ville, nous aurons déjà fait un grand pas. D'ici 2030, 10% de la chaleur devrait être libérée par les réseaux de chaleur. Pour cela, il faut un nombre critique de clients (comme les logements sociaux de la société de logement Woonhaven), des acheteurs en continu (comme Boortmalt) et des "fournisseurs" stables de chaleur résiduelle (comme Indaver).
Si le gouvernement régional souhaite que les réseaux de chaleur soient conçus de manière à ce que plusieurs producteurs et acheteurs puissent s'y connecter ultérieurement - et c'est ce qu'il souhaite -, il doit également garantir un cadre de subvention stable pour le financement de cette capacité excédentaire initiale. En outre, le gouvernement peut également participer financièrement à l'infrastructure publique pour ces réseaux et aux installations pour le raccordement des entreprises. Nous faisons de même à Anvers par l'intermédiaire du holding de financement FINEG. Cela réduit les coûts pour les entreprises concernées et cela leur permet de maintenir ces investissements hors bilan.
L'aspect social est également important et nous essayons d'abaisser les barrières. Ainsi, nous avons temporairement renoncé au paiement des centimes additionnels communaux pour les blocs de propriétaires existants qui se connectent au réseau de chaleur. Et enfin, nous constatons un push technologique important des pouvoirs publics mais un pull insuffisant du marché. Par exemple, le gouvernement pourrait stimuler la demande du marché pour l'acier vert en fournissant des directives sur l'utilisation des matériaux des nouveaux produits sur le marché, en plus des normes de fin de vie.
Une ville peut jouer le rôle de matchmaker entre l'offre et la demande d'énergie, mais une approche plus large serait un plus. Ainsi, les accords de politique énergétique que les entreprises à forte intensité énergétique concluent avec le gouvernement flamand nous fournissent de nombreuses données sur la chaleur résiduelle et la demande de chaleur. Une partie neutre pourrait les faire se rencontrer. Une sorte de Tinder pour la chaleur et l'énergie, voilà ce qu'il nous faut! Peut-être une idée pour Vito?