Plus values sur les biens immobiliers utilisés à des fins professionnelles: quid des terrains connexes?

Si vous êtes indépendant et que vous cédez un bien immobilier que vous utilisiez dans le cadre de votre activité professionnelle, vous réaliserez généralement une plus-value. Ces dernières années, le traitement fiscal de cette plus-value a fait l’objet de nombreuses discussions, notamment en ce qui concerne le terrain sur lequel l’immeuble est bâti.

Critères

Du point de vue fiscal, il convient d’entendre par "actifs affectés à l’exercice de l’activité professionnelle":

  • les immobilisations acquises ou constituées dans le cadre de cette activité professionnelle et figurant parmi les éléments de l’actif;
  • les immobilisations ou parties de celles-ci en raison desquelles des amortissements ou réductions de valeur ont été admis fiscalement;
  • les immobilisations incorporelles constituées pendant l’exercice de l’activité et qui figurent ou non parmi les éléments de l’actif.


Les plus-values réalisées sur la vente de ces actifs forment des revenus professionnels imposables dans le chef de l’indépendant.


Il est généralement admis que les trois critères précités sont limitatifs. Les actifs qui ne répondent pas à ces critères ne sont donc pas considérés comme des actifs professionnels du point de vue fiscal, quand bien même, dans les faits, ils auraient été affectés à l’exercice des activités professionnelles.

Bien immobilier bâti

Mais qu’en est-il de la plus-value réalisée sur un bien immobilier bâti (terrain et bâtiment) par un indépendant tenant une comptabilité simplifiée? Dans ce cas, l’intéressé ne doit pas tenir de comptabilité en partie double: il n’est donc pas question de comptabilisation d’éléments d’actif et de passif. 


Aucun amortissement n’est non plus admis sur le terrain, puisque le terrain n’est pas amortissable. Si aucune réduction de valeur n’est non plus admise sur le terrain et que l’on s’en tient aux critères ci-dessus, le terrain ne peut pas être considéré comme un actif professionnel. Il faut néanmoins savoir que, dans la pratique, une réduction de valeur est admise sur les frais d’achat (droits d’enregistrement et frais de notaire).

L’arrêt du 21 juin 2018

Par le passé, l’Administration a estimé que, dans un tel cas, le terrain et le bâtiment formaient "un tout indissociable" et que c’était la plus-value sur l’ensemble de cet actif qui était soumise à l’impôt. Le fait que des amortissements n’aient été calculés que sur une partie du bien (le bâtiment) n’empêche pas qu’il s’agit d’amortissements sur l’ensemble du bien immobilier.


Toutefois, la Cour de cassation en a décidé autrement dans un arrêt du 21 juin 2018. D’après elle, un contribuable tenant une comptabilité simplifiée n’est pas imposable sur la plus-value réalisée sur le terrain puisqu’aucune réduction de valeur n’est fiscalement admise sur ce terrain. Dès lors, le terrain n’est pas considéré comme un actif professionnel. Par conséquent, le prix de vente obtenu doit être ventilé entre le terrain et le bâtiment. Seule la plus-value réalisée sur le bâtiment est imposable au titre d’actif professionnel.

Garantie d’égalité constitutionnelle

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’Administration a estimé que ce point de vue de la Cour de cassation portait atteinte au principe d’égalité: d’après l’Administration, le fait d’imposer les contribuables différemment en fonction de la manière dont ils tiennent leur comptabilité (simplifiée ou complète) allait à l’encontre de la garantie d’égalité constitutionnelle. Une question préjudicielle a donc été soumise à la Cour constitutionnelle. Toutefois, la réponse donnée dans son arrêt du 28 mai 2020 n’était pas celle attendue par l’Administration.


La Cour a traité la question en partant du caractère limitatif des trois critères susmentionnés. Dans ce contexte, la Cour a reconnu qu’il y avait une différence de traitement entre les contribuables tenant une comptabilité simplifiée et les contribuables tenant une comptabilité en partie double, mais a estimé que cette différence n’était pas contraire au principe d’égalité. La différence repose en effet sur un critère objectif (nature de la comptabilité).

Intention

En outre, la Cour précise que, du fait de la non-admission de réductions de valeurs sur ses terrains, le contribuable fait savoir qu’il ne souhaite pas comptabiliser dans le résultat d’exploitation les fluctuations de la valeur de cet actif. L’intention de faire considérer l’actif comme professionnel fait défaut. Le contribuable qui tient une comptabilité en partie double et qui décide de comptabiliser une immobilisation montre en revanche cette intention.


La vision selon laquelle "le terrain et le bâtiment forment un tout" est rejetée par la Cour. Selon la Cour, cela ferait en effet naître dans le chef des contribuables tenant une comptabilité simplifiée une différence dans le traitement fiscal des plus-values sur les terrains, selon que ceux-ci sont bâtis ou non bâtis.


En d’autres termes, l’arrêt de la Cour de cassation de 2018 a été confirmé. Partant du principe que les critères de reconnaissance des actifs professionnels ont effectivement un caractère limitatif, les contribuables tenant une comptabilité simplifiée ne peuvent pas être imposés sur la plus-value qu’ils réalisent sur le terrain d’un bien immobilier bâti, à condition qu’aucune réduction de valeur ne soit admise sur ce terrain.

Source

  • Cour constitutionnelle n° 76/2020, 28 mai 2020 (question préjudicielle) (n° du rôle: 76/2020)

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