Que nous réserve le monde de l'art en 2025?
À l’instar de la Bourse, le monde dynamique des foires d'art, des maisons de vente aux enchères et des ouvertures de galeries ne semble jamais s'arrêter. Alors que les artistes continuent d'expérimenter et que collectionner reste pour beaucoup une passion pour ainsi dire religieuse, le marché mondial de l'art fluctue à la manière d’un sismographe, sensible aux mouvements géopolitiques, économiques et sociaux. Le rapport Global Art Market Outlook 2025, récemment publié par Arttactic, offre un aperçu d'un secteur qui, malgré son image peu conventionnelle, est également sensible aux tendances mondiales.
Retour au réalisme après le pic post-pandémie
Après deux années de croissance spectaculaire pendant et au sortir de la pandémie de Covid, 2024 a brusquement éteint cette euphorie avec une baisse de 27,4% des ventes mondiales d'art moderne et contemporain. Le segment des œuvres de plus d'un million de dollars a été particulièrement touché, avec un recul de pas moins de 26,4%. Le rapport identifie épingle cependant aussi des tendances prometteuses: le volume des lots vendus est resté élevé et jamais autant d'artistes n'ont trouvé la voie du marché des ventes aux enchères.
Le glissement géographique est un autre constat. Grâce à une base grandissante de jeunes collectionneurs et à des initiatives publiques favorables, la Corée du Sud, l'Asie du Sud et l'Amérique latine affichent de solides résultats. Le marché chinois reste en revanche en mauvaise posture. L'optimisme semble revenir, surtout aux États-Unis. Avec 52% des experts prévoyant une évolution positive du marché de l'art américain, ce pays semble prêt à redevenir le moteur du commerce mondial de l'art.
Pour 2025, Arttactic identifie cinq tendances que nous développons ci-dessous.
L'essor des jeunes collectionneurs et du segment inférieur
Il est intéressant de noter que le segment dit moins cher est florissant, avec des œuvres de moins de 50 000 dollars. Ce marché s'est avéré assez stable. Alors que le chiffre d’affaires a baissé de 3%, le nombre de lots vendus a augmenté de 3,2%. L'arrivée d'une nouvelle génération de collectionneurs d'art est un phénomène notable: les milléniaux et la génération Z représentent déjà 26% des acheteurs de la branche américaine de Christie's. Ces jeunes collectionneurs seraient attirés par des gammes de prix plus accessibles et des formes d'art novatrices telles que l'art numérique et les œuvres réalisées avec l'IA. D'autre part, il s'agit souvent d'acheteurs versatiles qui se tournent rapidement vers d'autres investissements dans le luxe si les rendements de l'art en tant que tel s’avèrent moins intéressants.
L'art, un investissement moins rentable
En période d'incertitude, l'art est souvent considéré comme une alternative aux actifs financiers tels que les actions et les obligations. Le rapport montre cependant que cette hypothèse n'est pas toujours correcte. Le rendement annuel moyen des investissements dans l’art est tombé à 4,1% en 2024, ce qui contraste fortement avec les 11,7% enregistrés en 2021. Les investisseurs à court terme ont été particulièrement touchés, avec des rendements négatifs de 6,9% en cas de revente dans les cinq ans.
L’investisseur en quête de rendement ne peut que s’armer de patience et apprécier l’œuvre. La période de détention est cruciale: plus on conserve une œuvre d'art longtemps, plus les possibilités de dégager un rendement positif augmentent. Le risque existe que certains marchands d'art décident de prendre une perte sur les œuvres d'art achetées au prix fort.
Le combat des jeunes artistes et des femmes artistes
Une tendance plus inquiétante est le déclin du marché des jeunes artistes contemporains (moins de 45 ans), avec une baisse d'un peu moins de 50% en 2024, due à l'évolution des comportements d'achat et à la diminution de la demande asiatique liée à la baisse du pouvoir d'achat des acheteurs asiatiques, qui sont traditionnellement les piliers de ce segment. Mais on peut bien entendu aussi se demander si les hausses de prix exubérantes de 2021 et 2022 étaient correctes.
Les femmes artistes continuent de s'imposer sur le marché, malgré une baisse du chiffre d’affaires de 32,6% par rapport à 2023. Les femmes artistes surréalistes comme Leonora Carrington, ont en revanche réalisé une augmentation remarquable de 166,8%, ce qui est un signe encourageant pour la position souvent marginalisée des femmes dans l'art.
Des glissements géographiques: de Paris à l'Amérique latine
De plus en plus, Paris semble s’imposer comme la nouvelle capitale européenne de l'art, avec des initiatives telles que le déploiement d'un nouveau site d’Art Basel. Bien que Londres ait traditionnellement dominé le commerce de l'art européen, la capitale britannique risque de perdre son statut en raison des conséquences du Brexit et des réformes fiscales.

L'Amérique latine connaît en revanche une renaissance. Les prix record atteints par des artistes surréalistes tels que Leonora Carrington et la popularité persistante de Fernando Botero témoignent de la vitalité de ce marché. Des événements majeurs tels que la Biennale de São Paulo et la foire d'art Zona Maco contribuent à la visibilité internationale des artistes latino-américains.
L'importance durable de la tradition en Corée du Sud et au Japon
La Corée du Sud consolide sa position de centre artistique émergent en Asie, avec une augmentation impressionnante des ventes de 12,2% en 2024. L'assouplissement récent des lois successorales et la mise en œuvre de la loi sur la promotion de l'art (Art Promotion Act) marquent le début d'une nouvelle ère de croissance et de confiance sur le marché de l'art sud-coréen.

Le Japon reste également un acteur majeur, avec son mix caractéristique d'innovation technologique et de formes d'art traditionnelles. De grands noms comme Yoshitomo Nara et Yayoi Kusama continuent d'attirer les acheteurs internationaux, tandis qu'une nouvelle génération d'artistes japonais gagnent de plus en plus de traction.
Et qu'en est-il des États-Unis?
“We have the best art in the world and I am the biggest fan of American art.” Donald Trump prononcera-t-il un jour ces mots? La politique économique du président américain pourrait en effet s’avérer stimulante. Les réductions d'impôts et autres mesures fiscales favorables pourraient avoir un impact sur le capital disponible pour l’achat d’œuvres d'art. Il n'est donc pas surprenant que le marché de l'art américain soit le plus susceptible de rebondir, selon les personnes interrogées dans le cadre du rapport.
Perspectives pour 2025
Le rapport prévoit un redressement prudent du marché mondial de l'art. Si des incertitudes telles que le ralentissement économique chinois et les tensions géopolitiques subsistent, l'optimisme est également de mise. Les États-Unis, la Corée du Sud et l'Amérique latine sont considérés comme des régions à fort potentiel de croissance.
Tout comme les impressionnistes ont un jour tourné le dos aux conventions académiques de leur époque, les artistes et les collectionneurs semblent aujourd'hui chercher de nouvelles voies, parfois pour des raisons financières, mais le plus souvent par pure passion.


Ce bulletin d'information ne constitue ni une recommandation d'investissement ni un conseil.