Murmures artificiels, l'art de Roel Heremans

Qui dit intelligence artificielle (IA) pense très vite aux actions des 'Magnificent Seven' qui, grâce à cette technologie, n'ont plus quitté la une des médias financiers l’année dernière. L'IA occupe une place toujours plus grande dans nos vies. Une bonne raison pour réfléchir à la relation entre l'art et l'IA ? En effet, l'art est traditionnellement considéré comme l'expression de la créativité, de l'émotion et de l'intelligence humaines, tandis que l'IA est souvent perçue comme le produit d'avancées technologiques, basées sur des algorithmes et l'analyse de données. Nous avons soumis nos questions à l'artiste Roel Heremans.

Roel Heremans (1990) qui vit et travaille entre Stockholm et Bruxelles, est un artiste transdisciplinaire qui explore les frontières entre l'art, l'éthique et la technologie. Au moyen d’installations immersives et d’oeuvres sonores philosophiques, Heremans invite les visiteurs/ participants à interagir avec de nouvelles technologies, une introspection composée et des données biométriques.

Les choses auraient pu être différentes. À l'âge de 19 ans, alors qu'il était étudiant à la Vrije Universiteit Brussel, il fut renversé par une camionnette alors qu'il rentrait chez lui. Bilan : deux hémorragies cérébrales, une fracture du crâne et une vertèbre cervicale fissurée. Sorti de son coma, il souffrait encore d'aphasie et ne contrôlait plus sa motricité fine. "Ce qui m'est arrivé à l’époque a déterminé tout ce qui a suivi. Je n'avais plus de mots", c'est ainsi que Roel commence le récit des événements qui ont impacté le reste de sa vie. "Les nombreux examens neurologiques que j'ai subis ont éveillé ma curiosité quant au pouvoir de l’imagination."

"Par les Interactive Imagination Compositions, je souhaite partager artistiquement avec les visiteurs les expériences que j'ai vécues à l'époque. Ils reçoivent des écouteurs avec des capteurs intégrés. Je leur demande ensuite de fermer les yeux et je pose des questions. De quoi avez-vous besoin en ce moment ?" Roel crée de cette manière des juxtapositions poétiques qui, bien qu'artificielles, en disent long sur qui vous êtes et comment vous vous positionnez dans le monde.

Nous en arrivons vite à l'importance de la vie privée mentale et à la création des NeuroRights à l'initiative du professeur Rafael Yuste, attaché au Neurotechnology Center de l'Université de Columbia. En tant qu'artiste, Heremans est fasciné par la question de savoir comment combiner ses compositions imaginaires avec les questions éthiques entourant la neurotechnologie. La technologie se développant à un rythme rapide, les NeuroRights ont vu le jour, couvrant cinq droits fondamentaux : mental privacy, personal identity, free will, equal access to mental augmentation and protection against algorithmic bias. Ces "droits" doivent garantir que les questions éthiques et morales susceptibles de se poser soient dûment prises en compte.
S'appuyant sur ces droits, Heremans a développé en conséquence le jeu d'arcade The NeuroRight Arcades, qu'il a présenté pour la première fois lors du festival Ars Electronica 2022. Chacun des cinq appareils d’arcade se concentre sur l'un des différents droits et pose des questions aux participants pour les sensibiliser à l'impact des Brain Computer Interfaces (BCI). Il appelle cela des "murmures artistiques". Cette technologie mesure certains signaux cérébraux qui seront ensuite numérisés et classés. L'impression numérique de l'activité cérébrale enregistrée est le résultat artistique qui conclut cette expérience. De cette manière, la boucle est bouclée.

Roel Heremans parle avec beaucoup d’enthousiasme de sa participation à The Value of Care, l’une des 4 résidences européennes S+T+ARTS-in-the-city accompagnées par GLUON à Bruxelles. Au cours de cette résidence collaborative, l'artiste cherche à associer science, technologie et art. Avec le soutien d'Imec, du VIB et d'Innoviris, Roel étudie dans quelle mesure les développements en matière de soins de santé tiennent compte des valeurs individuelles du patient.

L'artiste exposera une sculpture audiovisuelle à l'Institut Jules Bordet. Nous pouvons voir les premiers projets d'une forme organique. L'objectif est que l'oeuvre d'art soit suspendue au plafond, flottant au-dessus de la tête des nombreux visiteurs. Par le biais d'impulsions lumineuses, Roel entend visualiser les nombreuses études scientifiques sur le cancer. Toutes les quelques minutes, une nouvelle étude apparaît ainsi qu’une lumière qui suivra un parcours au travers de la sculpture. Cela donnera aux visiteurs une notion optimiste des nombreux efforts déployés chaque jour pour lutter contre la maladie.

Ce bulletin d'information ne constitue ni une recommandation d'investissement ni un conseil.