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La passion du viticulteur

À Zwijnaarde, Lodewijk Waes possède un vignoble de quatre hectares et une salle de vinification de pointe. La viticulture est un travail à temps plein qu'il combine avec un autre emploi d’avocat à temps plein. En tant que président de l’asbl Belgische Wijnbouwers, il plaide en faveur des vins du cru. "Buvez du vin belge et vous serez surpris par sa qualité."

Lodewijk Waes

Lodewijk Waes dirige un cabinet d'avocats à Bruges. Tôt le matin, le soir et le week-end, il est viticulteur à Zwijnaarde. Dans le vignoble Waes de quatre hectares, il produit chaque année entre 15.000 et 20.000 bouteilles de vin rouge et de vin blanc. Pendant les périodes de vacances, il fait appel à des étudiants jobistes, mais, pour le reste, il fait tout tout seul, du travail dans le vignoble à l'emballage des bouteilles. Et Lodewijk Waes est également président de l'asbl Belgische Wijnbouwers.

"En 2005, j'ai commencé avec un petit vignoble d'un demi-hectare à Zwijnaarde, où j'habite d’ailleurs avec ma famille. À l'époque, il y avait encore peu de viticulteurs en Belgique, hormis Genoels-Elderen, Chardonnay Meerdael, Aldeneyck. J'ai lancé le premier domaine à pratiquer la viticulture professionnelle à Gand et dans les environs depuis la mort du peintre Jan Van Eyck au milieu du XVe siècle.

Pourtant, en 815, on produisait déjà du vin dans cette région située le long de l'Escaut. Vers l'an 1000, le clergé et la noblesse de Flandre possédaient énormément de vignobles. Mais à l'époque de la mort du peintre Jan van Eyck, en 1444, la viticulture a disparu ici, une conséquence d'une petite période glaciaire combinée à une crise économique ayant amené à remplacer les vignes par des cultures céréalières. Aujourd'hui, la viticulture est le secteur qui connaît la plus forte croissance dans le pays. Il y a 15 ans, nous avons fondé l'asbl Belgische Wijnbouwers, une association agréée de défense des intérêts des viticulteurs."

D'où vient votre passion pour le vin et la viticulture?

“J'aime le vin, naturellement. Mais la première graine qui m'a incitée à produire mon propre vin a été plantée au début des années 90, alors que je préparais un doctorat en droit international privé à l'université de León, en Espagne. Je voulais aussi produire en Belgique les merveilleux vins Ribera del Duero. J'avais trois ou quatre grandes vignes dans le jardin et j'ai commencé à expérimenter.

En 2005, j’ai eu l'occasion d'acheter un terrain d'un demi-hectare. Ce qui est à la fois amusant et difficile dans la production de vin, c'est que l'on crée chaque année quelque chose de nouveau. L'expérimentation et l’élevage de vin, j’ai ça dans le sang. Le vin, ce n’est pas simplement des raisins écrasés; la passion du viticulteur est aussi dans la bouteille.

Il s'agit d'une combinaison entre le vignoble, le viticulteur et les raisins. Et je n'ai pas peur de travailler. Il y a 24 heures dans une journée: huit heures pour ma profession d’avocat, huit heures pour la viticulture et huit heures pour manger, boire, dormir et entretenir des contacts sociaux. Élever du vin, c’est travailler dur toute l’année, dans les vignes et dans la salle de vinification. Début août, je suis occupé à redresser, ébourgeonner et défolier les vignes, à installer des systèmes pour éloigner les oiseaux et suspendre des pièges à guêpes.”

Comment avez-vous développé le domaine?

“J’ai travaillé à la qualité de mes vins pendant plusieurs années. Ce n'est que lorsqu'elle s’est avérée excellente que j'ai commencé à étendre le domaine, morceau par morceau. Aujourd'hui, je dispose de quatre hectares répartis sur plusieurs parcelles, sans sacrifier à la qualité, bien au contraire. La Belgique est un jeune pays viticole qui connaît une croissance rapide et doit rivaliser avec les géants que sont la France, l'Espagne et l'Italie, des pays producteurs de vin depuis des siècles. Si nous voulons nous démarquer, nous devons miser sur la qualité et la diversité. Nous ne devons pas essayer d’imiter un Bordeaux ou un Chianti, ou un Ribera del Duero, comme je le pensais au départ.”

Qu'entendez-vous par diversité?

“En tant que jeune pays viticole, nous pouvons tester de nouveaux cépages. Mon domaine compte 80% de variétés interspécifiques. Il s'agit de croisements de différents cépages classiques. Elles combinent les points forts de ces cépages et sont plus résistantes à notre climat humide et aux champignons.

L'Europe interdisant de plus en plus l'utilisation de certains pesticides dans l'agriculture, les variétés interspécifiques offrent de nombreuses possibilités. Au début, les autres viticulteurs étaient sceptiques, mais j'ai prouvé que l'on pouvait en faire de beaux vins, qui sont récompensés chaque année lors de l'élection du meilleur vin belge et remportent également des prix sur la scène internationale. Aujourd'hui, le nombre de viticulteurs qui plantent des variétés interspécifiques explose. Même les pays viticoles classiques les autorisent, par exemple pour le champagne.

Mais j'ai aussi des cépages classiques dans le vignoble. Par exemple, je suis le seul en Belgique à commercialiser le Chenin Blanc. Ce vin a immédiatement obtenu cinq étoiles chez Vinopres et un coup de coeur du Gault Millau. De cette manière, j'essaie aussi de me distinguer dans le paysage belge.”

En quoi les vins belges diffèrent-ils de ceux des pays classiques du vin?

“Nous produisons des vins dits “cool climate wines”. Ce sont des vins avec un bon équilibre entre les notes acidulées et fruitées que l'Espagne ou l'Italie ne peuvent plus produire.”

Les vins belges sont-ils déjà suffisamment connus dans leur propre pays?

“Chaque Belge boit en moyenne trente litres de vin par an, soit une consommation totale de 300 millions de litres. La production de vin en Belgique s'élève à un peu plus de trois millions de litres, soit à un pour cent de la consommation. Nous disposons donc dans notre propre pays d'un marché fantastique que nous ne sommes pas encore en mesure d'exploiter suffisamment. Les Belges feraient bien d’être un peu plus chauvins. Buvez du vin belge, vous serez surpris par sa qualité. Renoncez aux vins chiliens et argentins. Ils sont certes excellents mais l'em¬preinte écologique de nos vins est nettement inférieure.

Bien sûr, nous nous heurtons au handicap de la différence de prix. Nos propres vins sont en général plus coûteux. Il y a plusieurs raisons à cela. En raison du climat, nous n'obtenons qu'un tiers du rendement à l'hectare de l'Espagne ou de l'Italie. Nous payons beaucoup de taxes, de droits d'accises et de TVA. La main-d'oeuvre coûte cher. Et nous ne pouvons pas nous reposer sur ce que nos parents et nos ancêtres ont bâti. Nous devons repartir de zéro. L'investissement dans l'achat des terres, les plantations et la salle de vinification se traduit dans le prix du vin.”

Qu'en est-il des exportations?

“Elles sont modestes, mais, à terme, elles deviendront sans nul doute plus importantes. J'ai déjà participé trois fois au grand salon ProWein en Allemagne, et l'intérêt pour les vins belges est indéniable à l’étranger. Les pays qui ne sont plus en mesure de produire des vins aussi frais offrent des débouchés intéressés pour nos cool climate wines. Avec l'asbl Belgische Wiijnbouwers, nous déployons de grands efforts pour rallier les Belges à notre cause et conquérir le monde.”  

Y a-t-il un avenir pour plus de viticulture dans notre pays?

“La croissance se poursuivra certainement au cours des prochaines années, en particulier en Wallonie, où les domaines sont plus étendus. En Belgique, il n'y a que quinze domaines de plus de dix hectares. La moyenne est de quatre hectares, le minimum pour assurer la rentabilité. Mais la production de masse n'est pas le moyen de nous distinguer, la qualité doit rester notre priorité.”

Quelle est l'importance de l'écologie et de la durabilité dans la viticulture?

“J'essaie d’adopter une démarche biologique depuis le premier jour, mais l'agriculture biologique est en passe de devenir légèrement dépassée. L'avenir est à la durabilité et cela va bien au-delà de s’abstenir d’utiliser des pesticides dans la viticulture. La durabilité concerne également la consommation d'eau et d'énergie, les bouteilles, les étiquettes et les emballages.

En 2020, nous avons construit ce nouveau bâtiment car notre ancienne salle de vinification était devenue trop petite. Le bâtiment est équipé de panneaux solaires sur toute sa surface et nous utilisons l'eau de pluie dans la mesure du possible. La durabilité entraîne naturellement des frais supplémentaires dans un premier temps, le retour sur investissement suivra seulement à plus long terme. En tant que viticulteur débutant, il est important d'inclure immédiatement ces investissements dans votre plan d'entreprise.”

Pouvez-vous décrire brièvement le processus, du raisin au verre de vin? Qu'implique-t-il?

“Tout commence par un raisin sain dans un vignoble parfaitement entretenu. Après la récolte, les raisins sont acheminés dans l'installation de pressage. Ensuite, la fermentation se déroule dans des cuves en inox, chacune avec son propre réglage de la température. Vient ensuite le pigeage du vin rouge. C'est-à-dire que les peaux et les pépins des raisins remontant à la surface du moût par les levures doivent être mélangés à nouveau dans le vin. Il s'agit d'un travail laborieux, deux fois par jour. Outre la salle de vinification, je dispose ici d'une salle de cuves où le vin rouge repose encore huit mois en moyenne dans des cuves en bois. Je possède également d'un laboratoire pour les analyses, les tests et les calculs. Et une salle avec une installation d'embouteillage et une machine de bouchage et d’étiquetage. Enfin, il y a l'espace de stockage. Ce n'est pas rien.”

Et vous faites tout cela tout seul?

“Pendant les périodes de vacances, je fais appel à des étudiants jobistes, mais c'est tout. J'ai récemment publié une offre d'emploi pour trouver un collaborateur à temps plein, afin de m'aider dans le vignoble. Je ne suis plus tout jeune. Après un week-end de travail dans les champs, je sens le dimanche soir que ce n’est plus si facile.”

Quelle est la quantité de vin produite par Wijndomein Waes?

“Entre 15.000 et 20.000 bouteilles par an.”

Quels vins commercialisez-vous?

“Chaque année, nous assemblons le Waes blanc et le Waes rouge, nos meilleurs vins. Les cépages du vin blanc sont le Solaris et le Bianca, tandis que ceux du vin rouge sont le Rondo, le Regent, le Leon Millot et le Cabernet Cortis. Nous avons aussi quelques monocépages comme le Cabernet Blanc et le Chenin Blanc. Les bouteilles de vin mousseux issues du Cabernet blanc et du Chenin blanc mûrissent dans les caves. À la fin de l'année ou au début de l'année prochaine, je lancerai le premier Chenin Blanc pétillant. Je continue à expérimenter, cela reste une passion, même si je dirige une entreprise professionnelle.”

2024 est-elle une bonne année pour les raisins?

“En raison du printemps humide et des gelées printanières, nous aurons une baisse de rendement estimée à 30 % par rapport à l'année dernière.”

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes viticulteurs débutants?

“En tant que président de l’asbl Belgische Wijnbouwers: réfléchissez bien avant de vous lancer. Je ne veux décourager personne, mais réfléchissez bien, informez-vous bien, ne voyez pas tout de suite les choses en grand. L'entretien d'un vignoble et l’élevage de vin nécessitent beaucoup de travail et d'investissements si vous voulez le faire bien. Je vois des gens qui plantent immédiatement cinq ou dix hectares sans avoir jamais élevé de vin auparavant. Ce n'est pas une bonne idée.”  

Enfin, avez-vous déjà envisagé d'abandonner la profession d’avocat?

“Non. J'aime me plonger dans mes dossiers, j'aime plaider au tribunal. Le week-end, je m’éclate sur le terrain. J'ai deux métiers que j’exerce avec beaucoup de passion. Pourquoi en laisserais-je tomber un?”

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