Nervosité sur les marchés financiers
Les marchés financiers traversent une zone de turbulences. À la mi-janvier, l'arrivée de DeepSeek, l’alternative chinoise bon marché à la coûteuse architecture d'IA américaine, a créé une première brèche dans l’enthousiasme boursier, sans toutefois vraiment provoquer une correction sévère. Et ce, principalement grâce aux bons résultats du quatrième trimestre et à quelques lueurs d’espoir sur le front de la conjoncture européenne et des bénéfices des entreprises. La saga IA a en outre quelque peu sorti les marchés d’actions chinois du marasme. Le renversement de l'ordre mondial par Donald Trump, qui bouscule des alliances vieilles de plusieurs décennies et traite les agresseurs en amis et inversement, a en revanche agité la Bourse, sans vraiment créer la panique.
L'imprévisibilité de Donald Trump pèse sur la croissance économique
À l’entame de son second mandat, Donald Trump a surtout insisté sur les visées de croissance de sa politique. Le nouveau président américain allait remettre les États-Unis – et donc la Bourse US – à la première place. Or, il est clairement apparu ces dernières semaines que la Trumponomics – et surtout sa mise en œuvre désorganisée – comportait aussi de nombreux risques pour la croissance économique américaine à court terme.
L'incertitude entourant les tarifs douaniers astronomiques et les coupes claires dans les dépenses publiques créent l’incertitude et augmentent les anticipations inflationnistes des consommateurs et des producteurs, ce qui affecte également les investisseurs.
C'est cette incertitude, qui imprègne ensuite les statistiques et les indicateurs de confiance, qui a directement déclenché :
- une correction sévère des marchés boursiers américains et
- le plongeon des taux obligataires américains.
Les marchés européens ont pour la plupart échappé à la correction. Le revirement géopolitique des États-Unis et la réaction rapide de l'Europe avec ses plans d'augmentation des dépenses de défense et d'infrastructures pourraient en effet doper la croissance économique européenne. Seules la menace de l'augmentation des tarifs douaniers américains qui pèse toujours sur l'Europe et la conscience qu'un éventuel ralentissement de la croissance aux États-Unis affecte aussi les entreprises européennes brident l’euphorie boursière en Europe.
Nous dirigeons-nous vers une récession?
Les marchés d'actions surfent sur les vagues économiques. Les périodes de ralentissement économique déclenchent généralement des corrections boursières (limitées), mais une véritable inversion du climat boursier – c'est-à-dire le basculement vers un marché baissier – nécessite presque toujours une contraction économique marquée avec un impact équivalent sur les bénéfices des entreprises.
L'économie américaine ralentit, mais il est trop tôt pour conclure que nous nous dirigeons vers une récession.
- Les indicateurs de confiance ont quelque peu baissé, mais ils conservent des niveaux synonymes de croissance économique continue.
- À l’échelle mondiale, les banques centrales ont déjà considérablement assoupli leur politique monétaire restrictive. La Réserve fédérale a marqué une pause, mais nous pensons qu'elle ne manquera pas de procéder à des ajustements si nécessaire.
- L’Europe assouplit considérablement sa politique budgétaire. La Chine rectifie elle aussi le tir lorsque cela s’avère nécessaire.
- Enfin, l'administration Trump devra peut-être aussi nuancer quelque peu sa "vision à long terme" face à l’essoufflement à court terme de la Bourse et à la nervosité de l’arrière-ban.
À court terme, les prévisions de croissance de l'économie américaine sont sous pression. KBC Economics a abaissé ses prévisions de croissance pour l'économie américaine de 0,5%. Il s'agit là d'une importante révision à la baisse de ses prévisions antérieures, mais cela est encore loin d'impliquer que l'économie américaine entrerait en récession. Avec un taux de croissance du PIB attendu à +1,8% en 2025, la croissance économique des États-Unis reste beaucoup plus forte que celle de l'Europe.
Pour l'instant, les économistes de KBC laissent leurs perspectives de croissance inchangées pour la zone euro. L’intention de l'Allemagne, entre autres, d’accroître fortement ses dépenses budgétaires en matière d'infrastructures et de défense dans les années à venir devrait apporter une contribution positive à la croissance de 0,2% à 0,3% en 2025 et 2026. À moins que Donald Trump n’exacerbe son conflit commercial avec l'Europe ...
L'impact négatif sur les prévisions bénéficiaires globales devrait selon nous être limité. Nous considérons plutôt les mouvements actuels du marché comme une opportunité d'achat future. Nous attendons les indicateurs économiques et suivons de près l'évolution de la guerre tarifaire. Si la correction devait s'accentuer un peu plus, ou si nous avions plus de clarté sur l’évolution de la croissance et des tarifs douaniers, nous pourrions augmenter quelque peu nos positions en actions, qui sont actuellement légèrement inférieures à la norme.
Les États-Unis ou l’Europe?
Les marchés d'actions internationaux ont longtemps été dominés par les États-Unis. Cette domination n'a fait que se renforcer ces dernières années grâce à une longue période d'exceptionnalisme américain, alimentée par une croissance relativement forte de l'économie et des bénéfices, à laquelle plusieurs grandes entreprises du secteur des technologies de l'information et des médias ont largement contribué.
Au cours des dix dernières années, les entreprises américaines ont enregistré une croissance moyenne de leurs bénéfices de 7,7% par an, contre 5% seulement pour les entreprises de la zone euro. Au cours des dix dernières années, la Bourse américaine a progressé en moyenne de 11,8% par an, contre en moyenne 6,1% dans la zone euro. Une solide surperformance, basée en grande partie sur une croissance bénéficiaire supérieure.
Le positionnement à long terme de nos portefeuilles d'actions repose sur des indices boursiers internationaux pondérés en fonction de la capitalisation boursière. Ainsi, l'Amérique du Nord représente plus de 68% de l'indice boursier mondial MSCI World All Countries. Même une sous-performance relative des marchés boursiers américains ne nous incitera pas à ajuster ce positionnement. Que ce soit en termes de démographie, de développements technologiques, de politique favorable aux entreprises ou d'approvisionnement en énergie, les États-Unis ont à long terme de meilleures cartes en main que le vieux continent.
Nous suivons l’évolution de près. Si l'occasion se présente, nous pourrons éventuellement augmenter le poids des actions. Hormis un repositionnement limité de notre stratégie d'investissement des États-Unis vers l'Europe au cours des dernières semaines, nous achèterons plutôt de nouvelles actions aux États-Unis, où la correction est plus marquée.
- Historiquement, les Bourses européennes ne sont plus bon marché. Elles affichent encore une décote par rapport aux États-Unis, mais cette décote nous semble justifiée par la meilleure situation structurelle des États-Unis.
- En cas d'escalade de la guerre commerciale, l'Europe semble plus vulnérable que les États-Unis à court terme. Les effets positifs potentiels sur la croissance d'une politique budgétaire stimulante en matière d'infrastructures et de défense risquent alors d'être largement neutralisés par le recours maximal des États-Unis à des tarifs commerciaux "réciproques", nécessaires pour parvenir à des conditions de concurrence équitables sur le front commercial.
Et les obligations dans tout ça?
Les marchés obligataires ont dû digérer une forte hausse des taux des obligations d'État (européennes) au cours des dernières semaines. Alors que la Banque centrale européenne a encore réduit son taux directeur de 25 points de base, le taux des obligations d’État allemandes à 10 ans a augmenté d'environ 0,4 point de pourcentage. Nous sommes habitués à une certaine volatilité des marchés obligataires ces derniers temps, mais un tel rebond des taux d'intérêt est tout à fait exceptionnel.
Les plans budgétaires de l'Union européenne, en particulier de l'Allemagne, visant à augmenter fortement les dépenses de défense et d'infrastructures, ont été à l'origine de la forte hausse des taux d'intérêt. Ces dépenses se traduiront par une augmentation de la dette, qui devra être financée par de nouvelles émissions d'obligations. Et une offre d'obligations plus importante entraînera une baisse des cours et une hausse des taux obligataires.
Les marchés financiers anticipent sans doute quelque peu la réalité. Certains éléments indiquent que la vague de ventes et la hausse des taux obligataires ont été trop brutales. À terme, les dépenses budgétaires soutiendront la croissance économique, mais ...
- Pour l'instant, les projets ne sont pas encore très concrets.
- En outre, les fonds ne seront pas dépensés immédiatement. Une année pourrait encore s'écouler avant qu'un impact soit observé, tant sur l'économie que sur l'émission d'obligations.
- Une éventuelle escalade de la guerre commerciale avec les États-Unis reste un risque majeur.
Dans notre stratégie d'investissement, nous continuons à sous-pondérer les obligations d'État européennes au profit des obligations d'entreprises. Suite aux récentes hausses des taux d'intérêt, nous avons cependant augmenté la durée résiduelle moyenne du portefeuille d'obligations.
Une nouvelle hausse marquée des taux obligataires nous paraît peu probable, mais nous ne pensons pas non plus que les taux obligataires chuteront à nouveau brutalement en Europe dans un avenir proche. Le revirement de la politique budgétaire semble trop radical pour cela. Toutefois, une correction limitée ne paraît pas improbable, d'autant plus que les obligations sont de nouveau attrayantes, que l'inflation dans la zone euro continue d’évoluer favorablement et que la Banque centrale européenne a peut-être encore une nouvelle baisse de taux dans sa manche.
Conclusion
Dans un monde où les foyers géopolitiques peuvent s’embraser à tout moment, la gestion active démontre sa valeur ajoutée. Par respect pour la confiance que vous accordez à notre stratégie d'investissement, nous posons des bases solides et nous nous en tenons à notre vision à long terme, mais nous avons la flexibilité nécessaire pour changer de cap si la situation l'exige. En période de turbulences, il importe non seulement d'anticiper, de doser et d'examiner les opportunités, mais aussi d'exclure les décisions émotionnelles. Et l'année sera sans aucun doute volatile ...
Une stratégie d'investissement sur mesure.
Que se passe-t-il à l'échelle mondiale? Et quelles sont les conséquences pour les marchés financiers? Dans la Stratégie d’investissement KBC, nous développons nos perspectives géographiques, sectorielles et thématiques.
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