Rétrospective 2023 et perspectives 2024-2025
L'économie belge dans une perspective internationale
L'année 2023 a été marquée par une croissance économique très variable dans les grandes économies du monde. L'économie de la zone euro souffrait encore des conséquences du choc des prix de l'énergie de 2022, ce qui a provoqué sa stagnation, avec une croissance du PIB réel d'à peine 0,5% pour 2023, contre 3,4% en 2022. L'économie allemande, surtout l'industrie, traversait encore une période particulièrement difficile. L'économie américaine, soutenue par un consommateur très résilient, a beaucoup moins souffert de ces retombées et a affiché une croissance annuelle de 2,5% en 2023 (contre 1,9% en 2022). En Chine, l'heure était encore à l’optimisme début 2023 après la levée des mesures sanitaires, mais l'activité économique a déçu plus tard dans l'année en raison de la frilosité des consommateurs et de l'expansion de la crise de l'immobilier. En fin de compte, le taux de croissance annuel moyen de la Chine est resté légèrement supérieur à 5% en 2023, contre 3% en 2022.
Tant aux États-Unis qu'en Europe, l'inflation a chuté de manière significative en 2023, les prix élevés de l'énergie de 2022 ayant progressivement disparu de la base de comparaison de l'inflation en rythme annuel en 2023 (effets de base). L'inflation de base sous-jacente (hors énergie et alimentation) a également contribué à la trajectoire désinflationniste vers la fin de 2023. En moyenne, l'inflation globale en 2023 était encore de 4,1% et 5,5% aux États-Unis et dans la zone euro, respectivement, contre 8,0% et 8,4% en 2022. Cette désinflation en pilotage automatique s’éteint progressivement. Mais le recul de l'inflation mondiale et l'essoufflement des impulsions inflationnistes ont entraîné le changement de politique monétaire attendu. Les banques centrales ont cessé de relever leurs taux directeurs. Le taux directeur de la Fed a atteint en juillet la fourchette de 5,25% à 5,50%, avant que la BCE ne relève une dernière fois son taux de dépôt à 4% en septembre.
L'économie belge a bien résisté
L'économie belge, contrairement à l’économie européenne, a fait preuve d'une grande résilience en 2023 et a bien digéré la crise énergétique de l'année précédente. La croissance trimestrielle s’est ressaisie au début de 2023 et est restée relativement robuste tout au long de l'année. Dans l'ensemble, une croissance annuelle honorable de 1,5% a encore été enregistrée en 2023, contre 3,0% en 2022. Celle-ci est attribuable tant à la consommation privée, soutenue par l'indexation automatique des salaires et un marché du travail robuste, qu’aux investissements des entreprises, tandis que les exportations nettes ont pesé sur la croissance. Fait remarquable, la Belgique est l'un des rares pays de l'UE à ne pas avoir enregistré un seul chiffre de croissance trimestrielle négatif depuis le début de l'année 2022. Dans une perspective un peu plus longue, l'activité économique en Belgique à la fin de 2023 était supérieure de 5,5% à son niveau d'avant la pandémie (fin 2019), contre 3,0% dans la zone euro.
Malgré une performance globale relativement bonne, la confiance des entreprises s'est également détériorée en Belgique au cours de l'année 2023 en raison de l'affaiblissement du commerce international, de l'augmentation des coûts de financement et de l'accroissement de l'incertitude (géopolitique). Les entreprises industrielles, en particulier, ont été confrontées à un déficit croissant de la demande, et plus précisément à la faiblesse des commandes à l'exportation. Dans le secteur de la construction, les entreprises se sont heurtées à un refroidissement considérable du marché du logement. La hausse des taux d'intérêt a fortement freiné les investissements immobiliers des ménages belges. Les prix de l'immobilier belge sont néanmoins restés étonnamment résistants en 2023, avec encore une augmentation moyenne des prix d'environ 2% par rapport à l'année précédente.
En outre, la croissance économique belge a été particulièrement intensive en main-d'œuvre. Les créations nettes d'emplois en Belgique se sont affaiblies en 2023, mais sont restées positives. À la fin de l'année 2023, l'emploi était supérieur de près de 1% à son niveau de l'année précédente. Le taux de chômage est resté stable entre 5,5 et 6%. Le taux de vacance d’emploi est retombé de son sommet, mais a continué de révéler une pénurie de main-d'œuvre. L'inflation (selon l'indice harmonisé IPCH) a fortement diminué en raison de l'effondrement de l'inflation de l’énergie et s’est même brièvement retrouvée en territoire négatif à la fin de l'année 2023. Le taux d'inflation moyen pour l'ensemble de l'année 2023 était de 2,3%, un niveau inférieur à celui de la zone euro (5,5%) et un recul marqué par rapport à la moyenne historiquement élevée de 10,3% enregistrée en 2022. L'inflation de base a également décéléré, mais elle est restée très élevée, à environ 5% à la fin de l'année, et largement supérieure à celle de la zone euro (3,4%). À la fin de 2023, environ un bien et un service sur trois du panier de l'IPCH affichait encore des hausses de prix de 6% ou plus (en rythme annuel).
L'économie mondiale se redresse (très) progressivement en 2024
La reprise de l'économie mondiale s'accélère progressivement en 2024. Le resserrement de la politique monétaire et la crise immobilière en Chine continuent de peser sur la croissance, la maintenant en dessous de son niveau potentiel, en particulier au premier semestre. L'assouplissement progressif de la politique monétaire plus tard dans l'année et le rattrapage des salaires réels relancent lentement la croissance au second semestre. Toutefois, ces impulsions de croissance arrivent trop tard pour faire encore de 2024 une année économiquement forte. KBC Economics s'attend à ce que l'économie américaine conserve une croissance de 1,2% en 2024 grâce à un nouvel assouplissement des conditions monétaires et à ce qu'elle retrouve un taux de croissance plus sain de 2,0% en 2025. Dans la zone euro, la croissance du PIB resterait limitée à 0,5% en 2024, comme en 2023, pour remonter à 1,3% en 2025. L'évolution défavorable de l'économie allemande freine particulièrement les attentes. L'économie chinoise reste confrontée à des défis majeurs, en raison des effets persistants de la crise du secteur immobilier. En 2024 et 2025, la croissance chinoise devrait s'établir à 4,3% et 4,2%, respectivement.
Une vague d'assouplissement se dessine. KBC Economics s'attend à ce que la Fed et la BCE procèdent à cinq baisses de taux d'intérêt en 2024, à partir du deuxième trimestre. En moyenne, l'inflation aux États-Unis et dans la zone euro s'élèverait encore à 2,1% et 2,8% respectivement en 2024. Le principal défi pour 2024 sera de trouver un équilibre entre la conduite d'une politique (monétaire) suffisamment restrictive pour ramener durablement l'inflation vers l'objectif de 2%, d'une part, et éviter une grave récession, d'autre part. La rapidité avec laquelle l'inflation reviendra à l'objectif de la Fed et de la BCE dépend de l'apparition éventuelle et de l'ampleur de nouvelles impulsions inflationnistes. L'inflation des services, en particulier, reste sensible aux fortes hausses des salaires, tandis que pour environ la moitié des travailleurs de la zone euro, de nouvelles négociations salariales s’ouvrent au premier semestre 2024. Leur issue pourrait, en théorie, entraver la décélération de l'inflation.
La croissance belge retrouve lentement son rythme potentiel
Les indicateurs de confiance ont rebondi à la fin de l'année 2023. La confiance des consommateurs belges est remontée en décembre bien au-dessus de sa moyenne à long terme, mais elle s'est quelque peu affaiblie en janvier 2024. Le niveau élevé de la confiance suggère que la consommation privée est encore assez dynamique. La confiance des producteurs montre moins d’optimisme et est inférieure à la moyenne à long terme. Néanmoins, il convient de noter que la confiance, en particulier dans les services aux entreprises, s'est considérablement améliorée ces derniers temps. Dans l'industrie manufacturière et la construction, la reprise est restée beaucoup plus limitée. Dans l’industrie, les entreprises restent confrontées à la faiblesse des commandes à l'exportation en raison de l’atonie conjoncturelle internationale. Le contexte international assez morose implique une faible demande des partenaires commerciaux de la Belgique. Les premiers signes d'amélioration dans le secteur de la construction pourraient indiquer que le refroidissement du marché du logement belge s'atténue.
KBC Economics estime que la croissance du PIB belge atteindra 0,9% en 2024. Ce chiffre est inférieur aux dernières prévisions de la BNB (1,4%) et de la CE (1,4%), mais est davantage conforme à celles de l'OCDE (1,1%) et du FMI (0,9%). Pour 2025, nous prévoyons une croissance de 1,1%, conforme aux prévisions de la BNB et du FMI (1,2% pour les deux institutions), mais inférieure à celles de la CE et de l'OCDE (1,5% pour les deux institutions). Selon nous, la croissance belge sera freinée par des pénuries de main-d'œuvre persistantes et un manque de réformes structurelles, mais elle retrouvera progressivement son rythme potentiel d'environ 1,3% d'ici 2026. Le marché du travail belge reste assez étriqué. Le taux de vacance d’emploi belge a quelque peu diminué depuis le pic atteint en 2022, mais il reste l'un des plus élevés de l'UE. Le taux de chômage devrait rester proche de son niveau actuel d'environ 5,5% dans les années à venir.
L'inflation redevient plus imprévisible. L'inflation de l’énergie devrait cesser d'être le moteur de l’inflation/la désinflation belge globale dans les mois à venir, en grande partie parce que les effets des mesures de soutien à l'énergie s'estomperont. KBC Economics prévoit que l'inflation moyenne en Belgique augmentera légèrement en 2024 pour atteindre 3,6%, contre 2,3% en 2023. Pour 2025, l'inflation moyenne en Belgique devrait selon nous retomber à 2,1%. À mesure que la pression haussière sous-jacente sur les coûts s'atténuera, l'inflation structurelle sous-jacente (inflation de base) se normalisera aussi progressivement à l'horizon des prévisions.
Ces dernières années, les finances publiques de la Belgique ont été mises à rude épreuve par les crises successives. Exprimée en pourcentage du PIB, la dette publique a fortement diminué en 2022 en raison d'une inflation musclée, mais le déficit primaire toujours élevé (c'est-à-dire hors charges d'intérêts) et un environnement macroéconomique moins favorable à l'endettement ont entraîné une nouvelle hausse du ratio de la dette à partir de 2023. À politiques inchangées, la dette publique risque de devenir insoutenable. Les autorités belges sont maintenant confrontées à la tâche difficile de remettre les finances sur une trajectoire durable. De plus, le nouveau cadre budgétaire européen risque de contraindre la Belgique à un carcan d'assainissement serré dans les années à venir. Cet assainissement est nécessaire pour libérer une marge de manœuvre pour de nouvelles politiques et pour relever les nombreux défis, tels que le vieillissement de la population, le changement climatique, le déclin de la croissance de la productivité et l'évolution de la situation géopolitique.
Incertitude et risques
Les perspectives susmentionnées pour l'économie mondiale restent soumises à des risques importants, essentiellement baissiers. Ceux-ci sont principalement d’ordre géopolitique pour les années à venir. La guerre au Moyen-Orient pourrait ainsi s’aggraver, entraînant des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement et une nouvelle crise énergétique. Les récentes attaques de missiles sur plusieurs navires commerciaux en mer Rouge ont déjà renforcé la pression sur les chaînes d'approvisionnement mondiales. Environ 20% du volume mondial de conteneurs transite par la mer Rouge. La Chine pourrait en outre faire monter la tension avec Taïwan dans le sillage des élections présidentielles dans ce pays, et les États-Unis pourraient adopter une attitude plus protectionniste et isolationniste après les élections présidentielles de novembre.
Le contexte reste également difficile pour l'économie belge. Malgré le récent revirement, la faiblesse des indicateurs (de confiance) dans l'industrie et la construction en particulier continue à susciter l'incertitude. Ainsi, une faiblesse persistante de l'activité économique chez les partenaires commerciaux pourrait entraver durablement les exportations belges. Et comme les attentes en matière de demande de construction de logements restent faibles pour le moment, 2024 pourrait encore être une année difficile pour le secteur de la construction. Enfin, la formation du gouvernement qui s’enliserait après les élections de juin 2024 risque de retarder l'assainissement budgétaire et les réformes structurelles indispensables, avec toutes les conséquences que cela implique.
En résumé
Bien que les risques restent élevés pour la croissance mondiale, nous nous attendons à une reprise économique très progressive, surtout à partir du second semestre de l'année. Le recul de l'inflation ouvre la voie à la première série de réductions des taux d'intérêt à partir du deuxième trimestre, ce qui pourrait soutenir l'économie. Le redressement progressif de l'économie mondiale ouvre également la voie à un redémarrage du commerce international reporté à l'année prochaine, ce qui pourrait quelque peu soutenir l'industrie (européenne). Les risques sont plutôt baissiers. Le gros du problème réside dans les élections présidentielles américaines, la réélection de Donald Trump risquant d’enflammer un contexte géopolitique déjà explosif.
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Cette nouvelle ne constitue ni une recommandation d’investissement ni un conseil.