Le sucre reste structurellement cher
Les acteurs du secteur du sucre et de l'éthanol, parmi lesquels Cristal Union, Tereos et Suedzucker, ont enregistré de solides bénéfices au cours du dernier exercice financier, car ils ont profité d'une augmentation des prix et de l'envolée des marchés pétroliers. Le prix du sucre a connu une forte hausse depuis un an pour enregistrer le mois dernier son plus haut niveau depuis 2017. La guerre en Ukraine joue un rôle, mais elle n’est pas le seul élément responsable. Nous avons interrogé Bart Verstrynge, économiste chez KBC Agro.
De solides bénéfices pour les producteurs de sucre
Le plus grand producteur de sucre d'Europe, Suedzucker, a récemment relevé ses prévisions bénéficiaires pour la nouvelle année fiscale. Et ce, après avoir enregistré une forte hausse de son bénéfice opérationnel au premier trimestre, malgré l'impact de la guerre en Ukraine. Le bénéfice opérationnel du premier trimestre du nouvel exercice (qui a débuté le 1er mars) a atteint 163 millions d'euros (contre 49 millions d'euros l'année précédente). Cet exploit est attribuable aux bons résultats du secteur du sucre, de l'amidon et des fruits ainsi qu’à l’entité CropEnergies de Suedzucker. Celle-ci produit le bioéthanol, un carburant vert, et a profité de la hausse des prix de l'énergie. L'entreprise prévoit un résultat d'exploitation de 400 à 500 millions d'euros pour l'ensemble de l'exercice 2022-2023 (contre 332 millions d'euros l'année précédente). Cristal Union (deuxième producteur de sucre en France, non coté) a également vu son bénéfice net augmenter. L’entreprise a enregistré un bénéfice net de 97 millions d'euros au cours de l'exercice 2021-2022 (contre 69 millions d'euros l'année précédente).
Moins de betteraves = des prix plus élevés
En Europe, la hausse des prix des cultures alternatives devrait entraîner un nouveau recul de la culture de la betterave sucrière et une diminution de la récolte. Suedzucker s'attend à ce que l'UE reste un importateur net de sucre pour la saison 2022-2023. Cela permettrait de répercuter l'augmentation drastique des coûts des matières premières et de l'énergie sur le marché, avec à la clé une hausse significative du prix du sucre à partir d'octobre 2022. Suedzucker prévoit de pouvoir répercuter les augmentations de coûts des matières premières et de l'énergie dans les nouveaux contrats avec les clients.
Causes de la hausse des prix du sucre
En Europe, la production de sucre est toujours associée à la betterave sucrière. Le sucre de canne est toutefois beaucoup plus important que le sucre de betterave: il représente en effet 80% de la production mondiale. Les principaux producteurs sont l'Inde, le Brésil, l'Europe et la Thaïlande. L'Inde est le premier pays producteur de sucre et le troisième en termes d'exportations. Le Brésil est le principal exportateur et le numéro 2 en termes de production. Au niveau tant mondial qu'européen, le prix du sucre a connu une forte hausse l'année dernière pour atteindre le mois dernier son niveau le plus élevé depuis 2017. La guerre en Ukraine joue également un rôle à cet égard, mais elle n’est pas le seul élément responsable:
Baisse de la production
Dans ses dernières prévisions (mai 2022), l'ISO (International Sugar Organisation) a revu ses prévisions de production, ce qui permettrait d’éviter un nouveau déficit du bilan mondial d’approvisionnement pour la saison 2021-2022. Cela rassure quelque peu après le déficit de 2,1 millions de tonnes enregistré pour la saison 2020-2021.
Les problèmes ne sont pas réglés pour autant:
- La guerre en Ukraine n'a pas un impact direct, car ni la Russie ni l'Ukraine ne sont des acteurs majeurs sur le marché mondial du sucre. Mais elle a un effet indirect de par la flambée des prix du pétrole, du gaz, des céréales et des oléagineux, qui renforce les autres tendances du marché.
- Les prix de l'énergie augmentent depuis la mi-2020, d'abord en raison de la reprise économique post-Covid et ensuite en raison de la guerre en Ukraine. Cela entraîne le transfert au Brésil (premier exportateur mondial de sucre) d’un plus grand volume de canne de la production de sucre vers la production de bioéthanol. Il en résulte une diminution de l'offre mondiale de sucre.
- Les prix élevés de l'énergie, des engrais et des produits phytosanitaires font grimper le coût de la culture. Si les cultivateurs économisent sur ce poste, les rendements à l'hectare pourraient décevoir. En raison de la forte augmentation du coût (+25%) et de la concurrence avec d'autres cultures moins chères, la surface européenne de betteraves sucrières devrait diminuer (-2%) également pour la saison 2022-2023. Et ce, pour la cinquième année consécutive. Cela pourrait mettre en péril le secteur betteravier européen, qui est déjà importateur net depuis 2018. En outre, non seulement les coûts de production, mais aussi les coûts de transformation augmentent.
Moins d'échanges
L'incertitude d’approvisionnement mondiale en produits agricoles incite les pays à constituer des stocks stratégiques. Ceux-ci interdisent ou limitent les exportations pour garantir leur consommation intérieure. Ainsi, après avoir interdit les exportations de blé, l'Inde a également limité les exportations de sucre à 10 millions de tonnes à la fin du mois de mai pour la saison courant jusqu'en septembre. Le transport maritime continue en outre de poser problème.
Une demande incertaine
L'augmentation mondiale de la demande s’aplanit. À l'exception du Moyen-Orient et de l'Asie, la consommation par habitant est en baisse. Le coronavirus exerce toujours un impact négatif évident sur la consommation, tout comme l'inflation. Il est difficile d'estimer à l'heure actuelle dans quelle mesure il affectera la demande de pays tels que la Chine (principal importateur).
Des questions?
Contactez votre private banker ou votre wealth manager
Mention légale
Cette nouvelle ne peut être considérée comme un conseil ou une recommandation d’investissement.