Un achat scindé pour votre seconde résidence en France ?
Depuis des années, la France est l'une des destinations les plus prisées par les personnes qui rêvent d'une résidence de vacances à l'étranger. Au moment de l'achat, mieux vaut tenir compte des différents aspects fiscaux. La planification successorale en fait également partie. Classiquement, un achat scindé est privilégié dans ce cas. Est-ce possible aussi en France ? Que faut-il alors prendre en compte pour éviter que les enfants doivent encore payer des droits de succession ? Quelles sont les alternatives ?
Situation sans planification
Si vous achetez une résidence de vacances en pleine propriété, ce bien tombera dans votre patrimoine à votre décès. La Belgique prélevant des droits de succession sur le patrimoine mondial de ses résidents, une résidence de vacances en France n'y échappera pas non plus. Théoriquement, il existe même un risque de double imposition. En effet, la France peut également prélever des droits de succession puisque l’immeuble est situé en France.
Cependant, la Belgique et la France ont conclu une convention préventive de double imposition en matière de droits de succession.
Sur cette base, la Belgique est obligée d’imputer les droits de succession payés à l'étranger sur les biens immobiliers étrangers sur les droits de succession dus en Belgique. Le droit interne belge prévoit également une disposition similaire. Concrètement, cela signifie que les droits de succession ne doivent être payés qu'une seule fois, mais, de facto, à concurrence du montant le plus élevé. Sachant qu'en Belgique, le taux passe à 27 % au-delà de 250 000 euros et qu'en France, il atteint même 45 % pour une valeur supérieure à 1.805.677 euros, l'impact fiscal final peut encore être conséquent.
Solution : l'achat scindé ?
Une technique de planification classique pour réduire les droits de succession est l'achat scindé. Les parents achètent l'usufruit du bien immobilier et les enfants la nue-propriété, souvent avec des fonds préalablement donnés par les parents.
Pour scinder le prix d'achat, l'usufruit est évalué en fonction de l'âge de l'usufruitier. La Belgique et la France ont chacune leurs propres règles en la matière. Pour la Région flamande, Vlabel a déjà jugé précédemment que les autres méthodes d'évaluation pouvaient aussi être appliquées valablement.
Au décès du parent survivant, l'usufruit s'éteint et vient s’ accroître à la nue-propriété des enfants, en principe en exonération de tous droits. Les enfants deviennent ainsi pleins propriétaires du bien immobilier sans devoir payer de droits de succession supplémentaires.
Toutefois, il est important de respecter scrupuleusement les règles en la matière. Or, elles ne sont pas les mêmes en Belgique et en France.
Règles belges
Le législateur belge a créé une disposition légale de fiction sur la base de laquelle le bien immobilier est considéré comme faisant toujours partie de la succession en pleine propriété s'il est question de ce que l’on appelle un avantage déguisé. Dans ce cas, des droits de succession restent dus.
Pendant longtemps, le débat a porté sur la question de la qualification possible de la dona¬tion préalable de fonds par les parents aux enfants en vue de l'achat de la nue-propriété d'un bien immobilier comme un « avantage déguisé ». Après plusieurs revirements du fisc, l'arrêt du Conseil d'État (arrêt n° 241.761, 12.06.2018) a finalement tranché en faveur du contribuable.
Le fait qu'une donation préalable ait eu lieu constitue depuis lors une preuve contraire valable de la présomption légale d’un « avantage déguisé ». Cette donation peut se faire soit par acte notarié, soit par donation bancaire (donation indirecte). Dans le cas d'une donation bancaire, il n'est pas obligatoire de faire enregistrer la donation antérieure.
En Région flamande, la donation doit toutefois être faite avant l'acte notarié d'achat du bien immeuble depuis le 14 octobre 2020. Dans la Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne, en revanche, le moment de référence est la signature du compromis, si un acompte (ou tout autre montant, tel qu'une garantie) est déjà payé à ce moment.
Conditions d'achat scindé en France
La France dispose également d'une disposition de fiction légale similaire. Globalement, en France, trois conditions doivent être remplies pour qu'il n'y ait pas de droits de succession français à payer au moment du décès.
Tout d'abord, les fonds doivent avoir été donnés par un acte à date certaine. Cela implique déjà que - contrairement aux règles belges - il est toujours requis que le don préalable de fonds soit enregistré. Les droits de donation seront alors dus en Belgique (taux forfaitaire de 3 % en ligne directe).
En outre, la donation doit avoir eu lieu au moins trois mois avant le décès.
Enfin, l'acte d'achat notarié français doit mentionner expressément qu'une donation préalable des fonds a été faite en vue du financement de l’achat de la nue-propriété.
Disposition anti-abus
En outre, il convient de noter qu'en France, les autorités fiscales ont tendance à essayer de s'attaquer à cette technique de planification sur la base de la disposition anti-abus française (abus de droit) en prétendant que l'objet de la donation est en fait la nue-propriété du bien immeuble français, ce qui entraîne l'assujettissement aux droits de donation français.
Alternative : achat suivi d'une donation de la nue-propriété
Une solution plus prudente consiste à acheter d'abord la pleine propriété du bien immeuble et à donner ensuite la nue-propriété aux enfants. Cet accroissement de l'usufruit à la pleine propriété au décès du donateur est aussi exonéré.
Par exemple, cette option peut être envisagée lorsqu'il est encore trop tôt, au moment de l'achat, pour déjà rendre les enfants (nus-)propriétaires du bien immeuble.
Tant que la donation n'a pas été exécutée, on risque alors la redevabilité des droits de succession (voir ci-dessus), mais elle peut être compensée ou atténuée en souscrivant une assurance succession ou en contractant un prêt pour l’achat du bien immobilier. Après tout, ce prêt fait partie du passif de la succession.
La donation de la nue-propriété n'est soumise aux droits de donation qu'en France. De plus, les droits de donation français ne sont calculés que sur la valeur de la nue-propriété, alors que dans une situation strictement belge, ils le seraient sur la valeur de la pleine propriété. Alors que les taux en France sont progressifs et varient de 5 % à 45 % en ligne directe, la France prévoit un abattement de 100.000 euros par enfant et par donateur. Il faut également tenir compte de la réserve de progres¬sion en France si une donation a déjà été effec¬tuée au cours des 15 années précédentes.
Comme toujours, le choix final entre les deux options dépendra du contexte concret et, surtout, de l'impact fiscal des différents scénarios.
- L'achat scindé tel que nous le connaissons en Belgique est également une technique de planification valable en France. Toutefois, il est important de respecter scrupuleusement les règles en Belgique et en France. Si vous y parvenez, le bien immeuble peut être transmis à la génération suivante sans devoir payer de droits de succession, ni en Belgique ni en France.
- Une alternative consiste à acheter d'abord la pleine propriété du bien immeuble et à donner ensuite la nue-propriété aux enfants. La France prévoit un abattement de 100.000 euros par donateur et par enfant, ce qui vous permet par exemple, à vous et à votre conjoint, de donner à vos trois enfants un bien immobilier d'une valeur (en nue-propriété) de 600.000 euros en exonération de droits.
- S'il est trop tôt pour faire une donation à vos enfants au moment de l'achat, vous pouvez compenser les droits de succession en souscrivant une assurance succession ou en contractant un prêt.
Vous avez des questions à ce sujet ? Si c'est le cas, n'hésitez pas à contacter votre conseiller.
Auteurs: Erik Sansen & Bernd Tiebout, Avocats, Sansen International Tax Lawyers pour Larcier
Cette nouvelle ne constitue ni une recommandation d'investissement ni un conseil.