Encadré: le fascinant dos d’un tableau
On accorde parfois trop peu d’attention au dos d’un tableau. Selon Emmanuel Van de Putte et Gwendolyn Grolig, tous deux directeurs chez Sotheby’s Belgique & Luxembourg, c’est un grand tort: le dos révèle souvent un fascinant aperçu de l’histoire de l’œuvre. Pour Art Minds, ils donnent quelques conseils.
Quels sont les matériaux les plus courants et que peuvent en déduire les collectionneurs?
‘Généralement, le dos d’un tableau est fait de toile ou de bois. L’essence de bois en dit long sur l’importance de l’œuvre. De plus, le bois permet de déterminer l’année exacte du panneau et de la peinture. Les œuvres d’art contemporaines utilisent aussi le cuivre ou le plastique – elles présentent une plus grande diversité dans le choix des matériaux.
L’artiste a-t-il fabriqué lui-même le châssis, ou l’a-t-il acheté? Les clés doivent être bien assujetties; si la toile n’a pas été tendue correctement, l’œuvre risque même de se déchirer.
Il est aussi important de vérifier si des lignes sont visibles sur les côtés de l’œuvre: cela peut indiquer qu’elle a été réencadrée.
Bien entendu, des étiquettes peuvent aussi se trouver au dos du tableau. Elles indiquent des participations à des expositions ou les noms des collections auxquelles l’œuvre a appartenu. Les étiquettes des expositions précédentes, des transporteurs ou des maisons de vente aux enchères contribuent à retracer l’histoire d’une œuvre d’art.’
James Ensor – dos
1860 – 1949
Petits supplices persans signé ENSOR et daté 96 (en bas à droite)
Crayon noir, crayon de couleur et encre sur papier
20,2 x 23,4 cm
Peint en 1896
Pouvez-vous, en tant que collectionneur, ajouter vous-même quelque chose au dos du tableau? Une étiquette avec un nom, une adresse et une année?
‘Mieux vaut que les collectionneurs privés s’abstiennent de coller une étiquette. Par contre, les musées le font couramment. Ce que les collectionneurs peuvent faire, en revanche, c’est dresser un inventaire rigoureux de leur collection. Les acquéreurs potentiels demandent beaucoup de documents détaillés, y compris sur le dos, avant d’acheter. N’hésitez donc pas à demander un rapport de constat d’état, qui doit aussi citer chaque intervention: restauration ou même réentoilage de l’œuvre.
Saviez-vous que dans les années 1950, 1960 et 1970, de nombreuses œuvres ont été rentoilées, c’est-à-dire renforcées par une toile neuve supplémentaire? Aujourd’hui, nous constatons la tendance inverse: le désentoilage. Ce traitement a récemment été appliqué à un tableau de Caillebotte. Souvent, des équipes internationales multidisciplinaires sont à l’œuvre pour exécuter et documenter chaque étape. Un nettoyage n’est pas indiqué sur le revers. Plus il y a d’interventions, moins l’œuvre se vendra bien.’
L’étiquette est-elle une preuve concluante de l’origine?
‘La provenance est parfois inventée! Prenez l’exemple de Wolfgang Beltracchi: ce maître faussaire a même rassemblé d’anciens cachets de galeries pour les coller au dos de ses faux. Une étiquette peut être une indication, mais des recherches plus approfondies sont indispensables pour certaines œuvres afin d’en établir la provenance.’
James Ensor – face avant
1860 – 1949
Petits supplices persans signé ENSOR et daté 96 (en bas à droite)
crayon noir, crayon de couleur et encre sur papier
20,2 x 23,4 cm
Peint en 1896