L'eau, un moteur pour les investisseurs
Le printemps dernier a été le deuxième plus humide depuis le début des observations en 1833. C'est ce que révèlent les mesures effectuées par l’IRM. Nos réserves sont suffisantes, pourrions-nous penser. Mais est-ce le cas? Car les entreprises qui cherchent des solutions au "problème de l'eau" méritent plus que jamais l'attention des investisseurs.
Nous avons suffisamment d'eau: vrai ou faux?
L'eau est l'une des matières les plus abondantes sur terre. On pourrait donc penser qu'il n'y a pas de pénurie. Surtout en Belgique, où plusieurs régions ont encore subi des inondations au printemps dernier. Le contraste est saisissant avec les périodes de sécheresse précédentes. Ce retournement météorologique extrême nous force à ouvrir les yeux. “Notre stratégie consistant à évacuer l'eau rapidement grâce aux stations de pompage, aux égouts et aux rivières rectifiées est de plus en plus dépassée face au changement climatique”, déclare Anthony Sandra, portfolio manager chez KBC Asset Management. "Lors de fortes pluies, une trop grande quantité d'eau pénètre dans notre système d'évacuation en peu de temps. Conséquence: des inondations. En outre, comme l'eau est évacuée beaucoup trop rapidement, nous disposons de peu d'eau lors de périodes prolongées d'absence de précipitations. Conséquence: la sécheresse. Ainsi, contrairement à notre intuition, l'eau est une ressource rare et précieuse, souvent inégalement répartie dans le monde. Certaines régions sont confrontées à la sécheresse, aux inondations, à la pollution ou à des conflits sur le droit à l'eau.”
Malgré la remontée des nappes phréatiques, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Les périodes de sécheresse ou de précipitations prolongées alternent, de sorte que nous pourrions bientôt nous retrouver dans le scénario inverse.
Anthony Sandra, portfolio manager KBC Asset Management
Chaque fois qu'un phénomène naturel se produit, les habitants concernés réclament une solution au problème de l'eau. “Malheureusement, cela n'est pas aussi évident. La gestion durable de l'eau est un défi mondial pour les générations actuelles et futures. Un défi auquel de plus en plus d'entreprises et de gouvernements s’attellent en cherchant des solutions pour une gestion efficace de l'eau”, souligne Anthony Sandra.
Des initiatives voient le jour
La solution: retenir l'eau là où elle tombe, ce qui réduit les risques de crues et permet au sol de jouer le rôle d'éponge en vue des périodes de sécheresse. "Nous n'en sommes pas encore là", nous dit Anthony Sandra. "Mais heureusement, les idées et les techniques innovantes se multiplient. Le Blue Deal, un plan lancé par le gouvernement flamand à l'été 2020 pour lutter contre la pénurie d'eau et la sécheresse, est déjà un pas important dans la bonne direction. Il comprend divers projets, tels que l'utilisation intelligente de l'eau, la
restauration et l'extension des zones humides telles que les tourbières, la déminéralisation des rues et des places ou la modification des systèmes d'écluses,... La liste des initiatives est longue. Citons notamment la vallée de la réserve naturelle Babbelbeekse Beemden à Duffel et le Gaverbeek à Harelbeke, qui peut à nouveau serpenter, sa capacité tampon ainsi que sa biodiversité augmentant ainsi considérablement.”
“Les mesures du Blue Deal sont intéressantes, mais très dispersées. Nous sommes toujours confrontés à une capacité tampon insuffisante et l'utilisation des eaux souterraines pour des applications industrielles n'a pas suffisamment
diminué. Une approche globale avec une coordination rapide et efficace était impérative. En 2022, un groupe d'experts a élaboré le rapport consultatif Weerbaar Waterland,un plan en dix points pour la sécurité de l’approvisionnement en eau de la Flandre”. En juin 2024, quatre bassins hydrographiques ont été sélectionnés, auxquels les conseils du groupe d'experts seront appliqués: la Herck et le Mombeek dans le Limbourg, la Gette en Brabant flamand, le cours supérieur de l'Yzer et le sud et le centre de la Flandre occidentale. “L'objectif est de créer des paysages spongieux en impliquant les habitants, les agriculteurs, les sculpteurs paysagers et l'industrie. À un stade ultérieur, nous souhaitons étendre cette approche exemplaire à d'autres régions de Flandre, avec un accompagnement scientifique”, ajoute Anthony Sandra.
Une utilisation de l'eau circulaire au maximum
“Ancrer dans les esprits une gestion durable de l'eau efficace à 100% ne se fera pas en un jour. Nous devons savoir que des compromis sont trouvés pour nous rapprocher du Weerbaar Waterland. Chaque projet a en fin de compte un certain impact social.”
L'espace limité impose parfois des choix difficiles, tels que la recherche d'un équilibre sain entre l'expropriation et la protection des villes contre les inondations. Sans parler des coûts considérables liés à la gestion de l'eau. Mais à terme, les coûts d'investissement cèdent la place aux avantages et une utilisation circulaire maximale de l'eau se dessine.
Anthony Sandra, portfolio manager KBC Asset Management
Tiense Suiker, par exemple, prouve que l'expropriation n'est pas toujours nécessaire et qu'avec les bons investissements, on peut réaliser beaucoup de choses en termes de gestion de l'eau et d'ouverture de l'espace. L'année dernière, l'entreprise a mis en service une nouvelle tour de diffusion pour libérer le sucre de la pulpe de betterave. Cette installation permet non seulement d'économiser 25% d'énergie et 150 000 m³ d'eau par an, mais aussi de réaliser des économies grâce au nouveau processus de production. Avec le projet De Tiense Watervelden, le groupe va encore plus loin. La betterave sucrière est composée à 75% d'eau, ce qui représente une production annuelle d'un milliard de litres d'eau. Tiense Suiker, en collaboration avec la Vlaamse Milieumaatschappij (VMM), investira dans un système de purification supplémentaire qui rendra l'eau utilisable pour l'irrigation, les loisirs et la production d'eau potable. Le Watergroep utilisera l'ancien domaine militaire adjacent pour construire un bassin de 600 millions de litres d’eau qui pourrait être utilisé en cas de sécheresse, ainsi que pour les sports nautiques, les loisirs et la vie au contact de la nature. L'eau ne doit donc plus être évacuée par la Grande Gette et peut être réutilisée.
En 2018, le transformateur de pommes de terre Agristo, en collaboration avec De Watergroep, a lancé une initiative similaire sur son site de Wielsbeke. Grâce à un investissement dans la capacité de traitement, l’eau de la Lys peut être utilisée dans le processus de production plutôt que les eaux souterraines et l'eau potable. Après utilisation, l'eau est à nouveau traitée et rejetée dans la Lys ou réinjectée dans le processus de productions. Agristo a ainsi déjà économisé chaque année l'équivalent de 650 piscines olympiques.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières
L'agriculture et les pouvoirs publics ont également recours à l'innovation pour gérer la consommation d'eau.
À Roulers, un projet pilote axé sur la culture humide a été lancé. L'élargissement des cours d'eau et la suppression des canalisations en béton libèrent de l’espace pour les plantes de rivage qui peuvent être récoltées pour de multiples usages. La massette sert ainsi de fourrage grossier, de litière d'étable, de matériau de construction et d'isolation et de matériau de couverture. La menthe aquatique sert d’aromate. Ou le cresson de fontaine apporte la touche finale à une salade d'été. Les possibilités sont nombreuses, ce qui permettrait aux agriculteurs de diversifier leurs cultures.Grâce à l'intelligence artificielle, les agriculteurs peuvent adapter l’irrigation aux prévisions météorologiques et à l'état des plantes, ce qui leur permet une solide économie de temps et d'argent. Aujourd'hui, les serristes investissent dans des capacités tampons pour collecter non seulement l'eau de leurs serres, mais aussi celle des résidents voisins afin d'aider les agriculteurs en période de sécheresse.Les travaux d'infrastructure protègent les côtes et les rivières de l'élévation du niveau de la mer ou contribuent à la gestion des eaux intérieures. Une installation de pompage combinée à une centrale hydroélectrique est actuellement en construction sur le canal Albert à Genk. Pendant les périodes où l'eau est suffisante, cette centrale produira de l'énergie pour contrôler les écluses et elle alimentera environ 1 500 ménages. Pendant les longues périodes de sécheresse, la centrale pompera l'eau dans la partie amont du canal lorsque les navires passeront une écluse, de manière à ne pas compromettre la navigation. Cette usine, ainsi que cinq autres à Wijnegem, Olen, Ham, Hasselt et Diepenbeek, augmenteront la résistance du canal aux caprices de la Meuse, qui alimente le canal Albert.
Surfer sur la vague de l'or bleu
L'augmentation de la demande en eau est en totale contradiction avec la diminution de l'offre et les pénuries d'eau que connaissent aujourd’hui plusieurs régions du monde. L'eau est donc un marché en plein essor. Elle occupe une place de plus en plus importante dans l'agenda économique et politique.
Les investisseurs ont tout à gagner à s’intéresser au thème de l'eau. De plus en plus de projets en cours et de techniques innovantes permettent à notre gestion de l’eau d’évoluer rapidement. Plusieurs possibilités s’offrent aux investisseurs souhaitant exploiter ce filon.
Anthony Sandra, portfolio manager KBC Asset Management
L'approche innovante de la gestion de l'eau offre des opportunités aux investisseurs qui souhaitent contribuer à la transition vers une eau propre. Les investisseurs ont tout à gagner à s’intéresser aux entreprises proposant des solutions liées à l'eau, telles que les sociétés de conseil, les entreprises industrielles et de construction contribuant à une gestion plus efficace de l'eau dans les processus de production, au traitement de l'eau et au contrôle des infrastructures hydrauliques et à la gestion des eaux de ruissellement, ainsi que les entreprises proposant des techniques d'irrigation économes en eau pour l'agriculture.“Les investisseurs qui souhaitent profiter de l’essor du marché de l'eau ont donc intérêt à avoir une vision assez large. Une analyse correcte des opportunités et des menaces reste essentielle car tout ce qui ne brille n’est pas de l’or bleu”, conclut Anthony Sandra.
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